Summer, un prénom qui évoque la chaleur, la lumière, la joie de vivre ...
Ce roman commence comme un thriller : Lors d’un pique-nique au bord du lac Léman, organisé par ses parents, Summer, dix-neuf ans,
disparaît. Elle laisse une dernière image : celle d’une jeune fille
blonde courant dans les fougères, short en jean, longues jambes nues.
Disparue dans le vent, dans les arbres, dans l’eau. Ou ailleurs ?
Mais très vite, le roman change de genre : Vingt-cinq ans ont passé. Son frère cadet Benjamin est submergé par le
souvenir. Summer surgit dans ses rêves, spectrale et gracieuse, et
réveille les secrets d’une famille figée dans le silence et les
apparences.
Et cette famille aisée recèle bien des secrets ... Derrière la carte postale de la famille idéale enviée par tous, la réalité se révèle bien différente. La disparition de Summer agit comme une onde de choc et peu à peu Benjamin découvre ce que son enfance triste et son adolescence très perturbée ne lui avaient pas permis de voir à l'époque.
Et une troisième facette du roman se dévoile : une écriture souvent poétique (en particulier sur le thème de l'eau omniprésent ... On en découvre la raison seulement à la fin du livre) qui évoquait pour moi celle de Sylvie Germain.
Télérama :
« Il ne se passait jamais rien d'inconvenant » dans ces
grandes maisons bourgeoises des bords du lac Léman. De beaux enfants y
grandissaient en lieu sûr, devenaient bientôt des adolescents radieux,
couvés par des mères parfaites et protégés de la trivialité du monde
extérieur par des pères indestructibles. Summer était de ces enfants
bénis des dieux, jeune beauté blonde aux jambes longues et aux cheveux
de soie, qui pourtant un jour s'évapora. Enfuie ? Enlevée ? Noyée, telle
Ophélie, dans les eaux troubles du lac ? Nul ne l'a jamais su, et
vingt-quatre ans plus tard, son absence continue de hanter son frère
cadet : « La nuit, Summer me parle sous l'eau. Sa bouche est ouverte, palpitante comme celle des poissons noirs. »
Les
cauchemars aqueux de Benjamin se mêlent à des bribes de souvenirs
d'enfance, pour faire du crâne de l'adulte tourmenté qu'il est devenu
une drôle de lanterne magique, névrosée, obsessionnelle, morbide. Ces
visions, imprégnées d'odeurs, de vent et d'indiscible effroi, saturées
surtout de références aquatiques délétères et enchantées dans lesquelles
Summer est tout ensemble sirène et dépouille, sont la chair même du
beau roman magnétique de Monica Sabolo, qui use avec sensualité d'une
langue métaphorique pour tracer l'itinéraire intérieur de Benjamin, par
ailleurs lancé, vingt-quatre ans plus tard, dans une véritable enquête
sur la disparition de sa soeur.
Entre le thriller efficace et le récit poétique, soyeux et toxique — on pense beaucoup, en lisant Summer, à Laura Kasischke, notamment à son entêtant Oiseau blanc dans le blizzard
—, Monica Sabolo ne choisit pas. Elle fond adroitement les deux
registres, avançant vers la vérité factuelle, auscultant avec
délicatesse les fragilités de l'adolescence, déployant posément et
implacablement, à coups d'images et de symboles, les symptômes d'une
psyché familiale dérangée. —
Nathalie Crom
https://www.youtube.com/watch?v=EZMnZTPcFHY