Etrange livre que celui de 'Klara et le soleil' de Kazuo Ishiguro.
Il est vrai que je ne choisis en principe pas des livres de sciences
fiction. Le début est cependant prometteur et un peu amusant par le côté
insolite de ce robot qui est souvent plus humain qu'un humain. Pour
Klara le soleil lui est indispensable car il lui apporte son 'nutriment'
qui lui permet de fonctionner pour être cette AA qui doit aider Josie
une enfant malade. Klara doit comprendre les humains, avoir les
sentiments voulus et pour cela donc les connaître et les voir agir avec
leurs différences. Comme Klara est nourrie par le soleil, elle croit
que si le soleil donne aussi son nutriment à Josie, elle guérira.
Cette histoire manque de crédibilité. Les récits sont souvent bien trop
longs tant les descriptions que les réactions des autres personnages du
roman. Pour moi ce livre est moyen.
https://www.youtube.com/watch?v=dycl62JEe6A
https://www.youtube.com/watch?v=NAvGEX97IQI
Article de La Croix (septembre 2021)
Une étrange distance, une surprenante précision. Les pensées de Klara, quand elles s’entrechoquent dans sa tête, provoquent une impression déroutante. Tous les détails qu’elle distingue du monde extérieur sont enregistrés avec exactitude, mais sans compréhension.
Ainsi du soleil, qu’elle ne cesse de guetter. « Le Soleil avait tracé sur la façade de l’immeuble une ligne diagonale qui la divisait en deux triangles, l’un presque blanc et l’autre qui paraissait très sombre, mais je savais maintenant que la façade tout entière était jaune pâle », monologue-t-elle.
Klara est une AA, une Amie Artificielle, un robot en vente parmi d’autres dans un magasin tenu rigoureusement par Gérante. Conçue, comme les autres modèles qui l’entourent, pour tenir compagnie à des enfants fortunés et esseulés, elle se comporte selon un code bien défini. Ne pas regarder les humains dans les yeux, ne pas parler la première à l’un d’eux, mais leur répondre, ne pas manifester son avis sans y avoir été invitée… et saisir toutes les occasions d’absorber les rayons du soleil qui l’alimentent.
Appartenir sans s’attacher
Choisie par la jeune Josie qui s’attache à elle au premier coup d’œil en admirant sa beauté d’apparence « française », Klara doit se soumettre à un étrange test imposé par la mère de la fillette à la santé fragile. Elle le réussit haut la main grâce à son extraordinaire capacité d’observation. L’AA part donc partager la vie d’une famille à laquelle elle doit appartenir sans s’attacher et qu’elle doit servir sans poser de questions…
Première œuvre de science-fiction de Kazuo Ishiguro, Klara et le soleil n’est pas sans rappeler Les Vestiges du jour, roman plus classique qui rendit célèbre en 1989 l’écrivain britannique d’origine japonaise, Nobel de littérature en 2017.
La retenue attentive et la distance stoïque de l’androïde évoquent en miroir la dignité du dévoué majordome James Stevens, incarné par Anthony Hopkins dans l’adaptation cinématographique de James Ivory. Même abnégation sacrificielle, même attachement mal payé de retour, même aveuglement affectif dans une apparence de froide lucidité : comme l’inoubliable domestique anglais, le robot Klara, au risque de se perdre, se confronte à l’étrangeté des émotions humaines.
Penser et écrire comme un robot
Reprenant le motif habituel du « roman d’androïde », depuis Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick (1966) jusqu’à Une machine comme moi de Ian McEwan (2020), l’auteur y instille sa sensibilité. Parlant par la voix de Klara la narratrice, Kazuo Ishiguro réussit le tour de force de penser et d’écrire comme pourrait le faire un robot. Il se substitue par sa narration délicate et précise à une machine futuriste.
Ignorante d’un monde postmoderne déroutant mais qu’elle n’hésite pas à affronter, de ses propres capacités à la fois prodigieuses et limitées, et des complexités de l’âme humaine dans lesquelles elle plonge sans les décoder, l’androïde devient un personnage fascinant, bizarre et proche. « Ishiguro révèle l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre rapport au monde », déclarait le comité du prix Nobel en le récompensant. L’auteur de L’Inconsolé ou d’Auprès de moi toujours écrit à nouveau à la première personne, en proximité.
De même, quand il signe des chansons pour Stacey Kent, comme Bullet Train, évocation d’un voyage en train où flotte une atmosphère cotonneuse entre éveil et rêve, il semble devenir un double de la chanteuse de jazz américaine qui les interprète. Dans le monde uchronique complexe qu’il façonne ici, seuls les sentiments semblent véritables. Klara le comprend intuitivement lors d’une scène splendide où Kazuo Ishiguro laisse entrevoir avec un romantisme pudique la densité du temps qui passe et l’éblouissement des retrouvailles.