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mardi 16 février 2021

Grace Paul Lynch

 

 

Grace par Lynch



Paul Lynch est un écrivain irlandais, "Grace" est son troisième roman, après "Un ciel rouge le matin" et "La neige noire", tous deux acclamés par la critique et récompensés.


L'action du roman se situe en Irlande, en 1845, année de La Grande Famine. Et c'est un voyage initiatique au bout de la faim.


Le récit commence lorsque la jeune Grace, frêle jeune fille de 14 ans, est tirée de son lit par sa mère saisie de folie. Avec un couteau, sa mère lui coupe les cheveux, lui donne des vêtements d'homme pour en faire un petit garçon et l'oblige à quitter la demeure familiale pour aller sur les chemins  y trouver de quoi vivre et survivre. Grace sait dès lors qu'elle ne reverra ni sa mère ni sa fratrie. Accompagnée de son jeune frère Colly, qui l'a rejointe en cachette, et qui succombera très vite, Grace nous entraîne dans un pays dévasté où le danger est partout. Seule sur la route, elle croise d'autres miséreux comme elle, voleurs, ouvriers ou simples escrocs. La mort rôde sans cesse. 


Comme nombre de ses compatriotes, Grace n’a plus rien et doit trouver un moyen de survivre dans une contrée qui tombe rapidement dans le cauchemar de la faim. Une faim tenace, terrible et obsédante.


À travers la lande et les sombres ruelles de villes devenues charnier, la petite fille capte des fantômes et des esprits. Elle  dialogue sans cesse avec le fantôme de son frère défunt, Colly qui prend même parfois sa place, lui prêtant sa force et sa hargne lorsque Grace faiblit. Il chantonne et l’invective, la pousse et la remotive. 


 L’Irlande, devenue champ de mort et de désespoir, se prête à merveille à cette trame quasi-surnaturelle où dieux et esprits contemplent les hommes qui se débattent en vain.   La vie est dure au pays de la faim. Si dure que l’humanité elle-même semble ne plus avoir de sens. Si dure que Grace semble parfois devenir folle car…on ne peut pas vivre comme ça, tout simplement. Les événements atroces se succèdent et la mort cerne Grace, contrainte de grandir physiquement et psychologiquement pour survivre.


Entre les lignes, Paul Lynch livre le portrait d’une femme d’une extraordinaire résilience qui incarne également une figure intemporelle, celle de l’affamée qui résiste et qui se bat. Bien au-delà de la période historique décrite, le récit nous montre l’horreur de la faim, et ce pourrait être à côté de chez nous, aujourd’hui, dans un pays pauvre ou ravagé par la guerre, la chose serait la même. Grace n’est pas seulement un personnage de fiction mais aussi l’incarnation d’un drame humain qui traverse les âges.



Paul Lynch capture dès les premières pages le désespoir de l’époque et dresse un portrait saisissant d’un pays qui s’effondre. La cruauté et la brutalité du destin de Grace, son voyage emmène le lecteur sur les traces de l’indicible et de la misère. 

A la toute fin du livre, on arrive enfin à la lumière,avec une note d'espoir,  mais avant cela, que la traversée des ténèbres a été douloureuse et cruelle !!

Marie Christine


Article de La Croix :

 

Le romancier Paul Lynch, déjà auteur de deux romans à succès, est né il y a un peu plus de quarante ans dans le comté de Donegal dans le nord-ouest de l’Irlande, berceau de sa nouvelle épopée. Nous sommes en 1845. La famine ravage villes et campagnes. Dans une masure boueuse et sans joie se terrent Sarah et ses enfants, une ribambelle de rouquins, tous semblables à l’horrible Boggs, le propriétaire des lieux qui, avec la régularité d’une catastrophe climatique, vient récolter, en nature, le fruit de ses loyers. Alors qu’elle est encore enceinte, Sarah prend conscience du regard concupiscent porté par Boggs sur son aînée, Grace, 14 ans. Violence pour violence, elle préfère jeter sa fille sur les routes plutôt que de la livrer à ce prédateur.

Le roman s’ouvre sur une scène inouïe où Grace, tirée de son sommeil par sa mère armée d’un couteau, voit sa dernière heure arrivée. Ce n’est pas sa gorge qui sera tranchée mais ses longs cheveux de fille. Mèche après mèche, le crâne de la gamine maigrichonne se déplume. Quelques hardes masculines achèvent de la transformer en garçon. « C’est toi qui es forte, maintenant », clame la mère avant de la gaver comme une oie et de la mettre à la porte, « Marche jusqu’à la ville, fais-toi passer pour ton frère. » Sarah ne sait rien de la misère noire qui règne sur toute l’Irlande. Elle croit protéger son enfant en l’éloignant du péril. Elle l’envoie plus sûrement vers la mort.

Cinq années de survie

Et la mort viendra, quelques jours plus tard. Ce n’est pas Grace qu’elle prendra mais son cadet, l’espiègle Colly, un gamin féru de devinettes et expert pour fumer la pipe, qui avait voulu fuir avec sa sœur. L’écrivain sait créer les atmosphères qui précèdent les tragédies. Grace et Colly arrivent en ville la nuit de Samhain, que les peuples celtiques tiennent pour celle des trépassés. Rien ne ressemble à ce que la mère avait décrit. « Alors qu’ils longent de vastes fermes dans l’obscurité grandissante, Grace se sent épiée par les lanternes aux yeux et à la bouche flamboyants, navets creux placés en sentinelles pour tenir les morts en respect. »

Nuit prémonitoire. Le lendemain, Colly est emporté par les flots d’un torrent. Dès lors, Grace, dépossédée de tout, accueille en elle l’esprit de son frère, facétieux et querelleur, présence immatérielle mais réelle qui la sauve du désespoir. Dans sa longue épopée à travers l’Irlande, elle deviendra gardienne de bétail, brigande, puis pénitente, dans la grande tradition des romans picaresques. Cinq années de survie. Sa découverte de l’humanité inspire à Grace stupeur et commisération : « Tous ceux qui la regardent ont des têtes d’âne, de cheval ou de chien, il n’y a pas grand-chose d’humain dans le lot, c’est une expression de déréliction qui domine, la gaîté, le chagrin et la colère et l’inquiétude ont disparu. »

Le magma des ténèbres

Et pourtant, dans sa traversée de l’impensable, Grace ne cesse de vouloir trouver au monde qui l’entoure une certaine lisibilité. Tout est matière à apprentissage, et, même si cela paraît impossible, jamais Grace ne renonce à sa quête de lumière. Chaque expérience, chaque personne, chaque épreuve la grandissent. Et la lumière, oui, sera au bout de son chemin.

Pour le lecteur, le voyage n’est pas reposant. La misère, quel que soit le lieu, l’époque sur laquelle elle s’abat, nous questionne toujours autant. Peut-être est-il un paragraphe qui résume particulièrement ce qui nous heurte lorsque nous entrons dans le magma des ténèbres : « Ces gens-là rendraient Dieu responsable de n’importe quoi. Ils lui imputeraient même le mauvais temps qui s’abat sur le pays, la pluie et le vent et cette horrible lumière d’hiver qui l’assombrit toute l’année. En effet, la lumière est comprise comme l’envoyée naturelle de Dieu, si bien que Dieu semble absent de l’Irlande. »

Elle est là, la cruauté, dans cette absence supposée. Et, par opposition, la conclusion de Grace n’en aura que plus de prix : « La vie est lumière. » Son prénom, de toute évidence, n’avait pas été choisi par hasard.

https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=AP2I5d9MuAE

 

https://www.youtube.com/watch?v=lUIYT2lrCu0 

 

https://www.youtube.com/watch?v=IbeE9OGjt0c 

 

 

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